BIOGRAPHIE

Amélie Labourdette (1974, Troyes) vit et travaille à Paris.

Artiste chercheuse et photographe, elle est diplômée de l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Nantes. Son œuvre a été présentée lors d’expositions personnelles et collectives en France et à l’étranger, notamment en Suisse, au Royaume-Uni, en Tunisie et en Italie. Parmi ses expositions personnelles les plus notables figurent le Salon unRepresented by a­­ ppr oc he en 2024 (Paris), KÓSMOS à la Galerie-Artothèque Pierre Tal-Coat lors des Rencontres Photographiques de Lorient en 2023, Un pur esprit s’accroît sous l’écorce des pierres à la Galerie Michel Journiac en 2022 (Paris), Cet autre monde qui est aussi le nôtre à l’Open School Gallery (Nantes), Traces d’une occupation humaine à la Galerie Le Carré d’Art en 2018 (Chartres-de-Bretagne) et Empire of dust à la Galerie Bigaignon en 2017 (Paris).

Bénéficiaire de nombreuses bourses de recherche et de production, elle est notamment lauréate de la catégorie Architecture du Sony World Photography Awards en 2016. Elle obtient en 2017 la bourse de soutien à la photographie documentaire contemporaine du CNAP. En 2020, elle est finaliste du Prix Découverte Louis Roederer.

Ses œuvres font partie de collections privées et publiques. En 2021, elle intègre la Collection Photographique du Centre National des arts Plastiques (CNAP) avec 5 tirages photographiques de la série KÓSMOS.

Depuis 2015, elle a réalisé des résidences artistiques en Italie du Sud (Agire Residenza Arte en Sicile), dans le Gouvernorat de Gafsa en Tunisie, ainsi qu’aux États-Unis dans le Sud-Ouest américain (Fieldwork Marfa) et dans l’État de New York (New York State Museum, Albany NY), ce qui lui a permis de développer ses projets.


DÉMARCHE ARTISTIQUE

L’œuvre d’Amélie Labourdette, principalement liée au médium photographique, se déploie à travers l’exploration de récits mineurs et à la révision des récits historiques dominants. Ces récits mineurs remettent en question les formes hégémoniques du savoir, de représentation du monde et questionnent l’histoire post-coloniale, l’écologie, à l’ère du capitalisme.

Amélie Labourdette envisage les strates géomorphiques de la Terre comme un livre à déchiffrer : un livre-Terre. À travers une lecture perspectiviste du territoire et la saisie de traces, chaque projet aborde les relations complexes entre l’humain et la biosphère terrestre, le cosmos. Elle explore via le médium photographique, l’étrangeté primordiale de notre kósmos perçu comme un monde crypté, afin d’en saisir le maillage et les interrelations entre les entités humaines et les entités naturelles non-humaines. C’est précisément cet enchevêtrement qu’elle questionne, appelant à une réimagination de récits invitant les humains à sortir d’une position centrale imaginaire.

Ces réalisations célèbrent un “pluralisme ontologique“1 en observant différents modes d’existence et en reconnaissant une forme de sensibilité et de subjectivité aux entités non-humaines. Reconnaître un esprit agissant dans chaque strate de la nature – animale, végétale, minérale – relativise toute supériorité ontologique de l’humanité. À l’instar d’un chaman, l’artiste devient une figure liminale, un “intercesseur“ entre les mondes des entités naturelles et des humains, enfreignant les séparations entre des mondes habituellement dissociés des humains et non-humains, des mondes visibles et invisibles, de la science et de l’art.

Les recherches d’Amélie Labourdette combinent les sciences de la vie, la paléobotanique, l’analyse anthropologique et archéologique, les cosmovisions autochtones, avec la poésie subjective des images. Elle sonde les intrications du monde en s’inspirant de la méthodologie warburgienne. Par associations analogiques et intuitives, elle relie diverses connaissances et perceptions, dépassant les cloisonnements disciplinaires. Ses créations plastiques révèlent des interconnexions de sens et de formes. Chaque projet est avant tout une enquête, invitant à des nouages d’espaces-temps où les catégories du passé, du présent et du futur s’entremêlent.

Ces œuvres proposent de nous reconnecter de manière sensible à l’esprit des lieux, aux spectres animaux et végétaux, enclos dans la matérialité des phénomènes, et suggèrent une alternative à une vision “présentiste“2 de l’histoire en nous reliant à une histoire humaine et plus qu’humaine sur le temps long. Matérialiser la vibration de ces mémoires est consubstantiel à l’expérience de la “chair du monde“3 : une expérience reliant corps et esprit, sensibilité aux fréquences vibratoires des lieux et visions – l’œil intérieur – ouverte au tangible et à l’intangible.

Ces questions écosophiques et de leurs traductions plastiques prennent la forme d’une profonde interrogation du médium photographique à travers l’exploration et l’expérimentation de sa matérialité.

1 Dans une optique biocentrique, le “pluralisme ontologique“ se réfère à l’approche reconnaissant la multiplicité des formes de vie et des perspectives, accordant une valeur égale aux différentes entités non-humaines et humaines dans l’univers.

2 Le “présentisme“ selon François Hartog est un “régime d’historicité“ qui place le présent comme principal point de référence pour comprendre le passé et envisager le futur, reléguant ainsi une perspective à long terme de l’histoire au second plan.

3 Le Visible et l’invisible / Maurice Merleau-Ponty, publié par Cl. Lefort, Gallimard, 1964



BIOGRAPHY

Amélie Labourdette (1974, Troyes) lives and works in Paris.

As an artist-researcher and photographer, she graduated from the École Nationale Supérieure des Beaux-Arts in Nantes. Her work has been showcased in both solo and group exhibitions in France and abroad, including Switzerland, the United Kingdom, Tunisia, and Italy. Among her most notable solo exhibitions are the Salon unRepresented by a ppr oc he in 2024 (Paris), KÓSMOS at the Galerie-Artothèque Pierre Tal-Coat during the Rencontres Photographiques de Lorient in 2023, Un pur esprit s'accroît sous l'écorce des pierres at the Galerie Michel Journiac in 2022 (Paris), Cet autre monde qui est aussi le nôtre at Open School Gallery (Nantes), Traces d'une occupation humaine at Galerie Le Carré d'Art in 2018 (Chartres-de-Bretagne) and Empire of dust at Galerie Bigaignon in 2017 (Paris).

Recipient of numerous research and production grants, she notably won the Architecture category of the Sony World Photography Awards in 2016. In 2017, she received the contemporary documentary photography support grant from the CNAP. In 2020, she was a finalist for the Prix Découverte Louis Roederer.

Her works are part of both private and public collections. In 2021, she joined the Photographic Collection of the Centre National des arts Plastiques (CNAP) with five photographic prints from her KÓSMOS series.

Since 2015, she has completed artistic residencies in Southern Italy (Agire Residenza Arte in Sicily), in the Governorate of Gafsa in Tunisia, as well as in the Southwestern United States (Fieldwork Marfa) and in New York State (New York State Museum, Albany NY), allowing her to develop her projects further.


ARTISTIC APPROACH

Amélie Labourdette’s work, mainly in photography, explores minor narratives and revises dominant historical narratives. These minor narratives call into question hegemonic forms of knowledge and representation of the world, and question post-colonial history and ecology in the age of capitalism.

Amélie Labourdette sees the geomorphic strata of the Earth as a book to be deciphered: an Earth-book. Through a perspectivist reading of the territory and the capture of traces, each project addresses the complex relationships between humans and their environment, the terrestrial biosphere and the cosmos. Through the medium of photography, she explores the primordial strangeness of our kósmos, perceived as a cryptic world, in order to grasp the mesh and interrelationships between human and non-human natural entities. It is precisely this entanglement that she questions, calling for a re-imagining of narratives that invite humans to leave an imaginary central position.

These projects celebrate an “ontological pluralism“ by observing different modes of existence and recognising a form of sensitivity and subjectivity in non-human entities. Recognising a spirit at work in every stratum of nature – animal, vegetable, mineral – relativises any ontological superiority of humanity. Like a shaman, the artist becomes a liminal figure, an “intercessor“ between the worlds of natural entities and humans, infringing the separations between worlds usually dissociated between humans and non-humans, visible and invisible worlds, science and art.

Amélie Labourdette’s research combines the life sciences, palaeobotany, anthropological and archaeological analysis, indigenous cosmovisions, with the subjective poetry of images. Inspired by Warburgian methodology, she probes the intricacies of the world. Through analogical and intuitive associations, she connects diverse knowledge and perceptions, breaking down disciplinary barriers. Her plastic creations reveal interconnections of meaning and form. Each project is first and foremost an investigation, inviting the knotting together of space-time where the categories of past, present and future become intertwined.

These works invite us to reconnect sensitively with the spirit of place, with animal and plant spectres enclosed in the materiality of phenomena, and suggest an alternative to a “presentist“ vision of history by linking us to a human and more-than-human history over the long term. Materialising the vibration of these memories is consubstantial with the experience of the “flesh of the world“3 : an experience linking body and mind, sensitivity to the vibratory frequencies of places and visions – the inner eye – open to the tangible and the intangible.

These ecosophical questions and their plastic translations take the form of a profound interrogation of the photographic medium through the exploration and experimentation of its materiality.

1 From a biocentric perspective, ‘ontological pluralism’ refers to the approach that recognises the multiplicity of life forms and perspectives, giving equal value to the different non-human and human entities in the universe.

2 According to François Hartog, ‘presentism’ is a ‘regime of historicity’ that places the present as the main point of reference for understanding the past and envisaging the future, thereby relegating a long-term perspective on history to the background.

3 Le Visible et l’invisible / Maurice Merleau-Ponty, published by Cl. Lefort, Gallimard, 1964