Triptyque sur fragments de pierre calcaire / Réactivation de Traces d’une occupation humaine [2023]
Triptych on limestone fragments / Reactivation of Traces of a human occupation
Triptyque de 3 tirages argentiques noir et blanc (150 x 100 cm chacun) sur fragments de pierre calcaire. Les tirages argentiques sur pierre calcaire sont une collaboration entre la photographe Amélie Labourdette et la tireuse Julie Laporte. L'œuvre a été réalisée grâce au soutien du CNAP (Centre national des Arts Plastiques).
Hauteur 150 cm x Largeur 320 cm x Profondeur 3 cm.
Triptych of 3 black-and-white silver prints (150 x 100 cm each) on limestone fragments. The triptych of silver prints on limestone is a collaboration between photographer Amélie Labourdette and printer Julie Laporte. The work was produced thanks to the support of the CNAP (Centre national des Arts Plastiques).
Height 150 cm x Width 320 cm x Depth 3 cm.
Vues de l’exposition collective Lire les lignes du monde , PhotoSaintGermain, Galerie du Crous, 2023. Commissariat : Pascal Beausse (Responsable des collections photographiques au Centre national des arts plastiques. Critique d'art et commissaire d'exposition) et Aurélia Marcadier (Directrice de PhotoSaintGermain, commissaire d'exposition indépendante).
Views of the group show Lire les lignes du monde , PhotoSaintGermain, Crous Gallery, 2023. Curated by Pascal Beausse (Head of photographic collections at the Centre national des arts plastiques. Art critic and curator) and Aurélia Marcadier (Director of PhotoSaintGermain, independent curator)
TEXTE FRANÇAIS
Ce triptyque conçu en 2023, relatif à l’histoire de l’exploitation du phosphate est une réactivation de la série photographique Traces d’une occupation humaine [2016- 2018] réalisée dans les différents paysages et lieux singuliers qui constituent le territoire du bassin minier du Gouvernorat de Gafsa, région située aux portes du désert Tunisien. Il est constitué de 3 tirages argentique noir et blanc (150 x 100 cm chacun) réalisés sur fragments de pierres calcaires ; roche présente dans les terrils des mines d’extraction de phosphate à ciel ouvert.
Expérimentation photographique et exploration de sa matérialité, ce triptyque de tirages argentique sur fragments de pierre calcaire nous invite à sortir d’une vision présentiste de l’Histoire et à envisager les strates géomorphiques de la Terre comme un livre à décrypter : un livre-Terre qui raconte une histoire plus qu’humaine sur le temps long qui se télescope avec notre temps présent, et qu’il nous faut écouter. Depuis moins de 40 ans les carrières d’extraction à ciel ouvert de la CPG, ont formées d’immenses terrils au centre d’un paysage qui s’est constitué naturellement pendant des millions d’années. Paysage littéralement retourné, bouleversé, ces terrils, collines artificielles construites par accumulation de résidus miniers, déchets de l’exploitation minière, font remonter et affleurer à la surface les roches sédimentaires profondes. Employant comme support la roche calcaire présente dans les terrils des mines d’extraction de phosphate à ciel ouvert, ces tirages reflètent l’anthropisation démesurée de la géologie du bassin minier de Gafsa.
Les tirages argentique réalisés sur fragments de pierre donnent à la matière photographique une présence à la fois tangible et spectrale. Tels des spectres de notre civilisation anthropocénique, mémoires encloses au cœur des sédiments calcaires, ces tirages évoquent les vestiges archéologiques parcellaires de fresques d’une civilisation antique. Ici se brouille notre perception linéaire du temps: les catégories du passé, du présent et du futur ne se succèdent pas nécessairement, mais s’entremêlent dans une conjonction des temps. À quelle époque sommes-nous lorsque nous regardons ce triptyque ? Serions-nous des archéologues du future découvrant les vestiges de notre propre civilisation contemporaine ? Ou bien ces vestiges sont-ils ceux d’une civilisation passée, disparue ?
Sous forme d’une archéologie du présent, cette œuvre propose de nous reconnecter à l’esprit des lieux, à la matérialité des phénomènes et suggère une alternative à une vision présentiste de l’Histoire en nous reliant à une Histoire humaine et plus qu’humaine sur le temps long. Ici, le moderne et l’ancien, l’immémorial et le futur se tissent au sein de la chaire minérale d'un monde commotionné, ici dans une conjonction des temps remontent "à fleur de pierre“ nos spectres civilisationnels, qui tels des traumas nous hantent et continueront à nous interpeller, tant que nous ne saurons y être attentifs.
ENGLISH TEXT
This triptych conceived in 2023, relating to the history of phosphate mining, is a reactivation of the photographic series Traces d'une occupation humaine [2016- 2018] created in the different landscapes and singular places that make up the territory of the Gafsa Governorate's mining basin, a region located at the gateway to the Tunisian desert. It consists of 3 black and white silver prints (150 x 100 cm each) made on limestone fragments; rock present in the slag heaps of open-cast phosphate mining.
A photographic experiment and an exploration of its materiality, this triptych of silver prints on limestone fragments invites us to step out of a presentist vision of history and consider the Earth's geomorphic strata as a book to be deciphered: an Earth-book that narrates a more-than-human story over the long term that telescopes with our present time, and that we need to listen to. For less than 40 years, CPG's open-cast quarries have formed huge slag heaps at the center of a landscape that has formed naturally over millions of years. A landscape literally turned upside down, these slag heaps - artificial hills built by accumulating mine tailings, the waste products of mining operations - bring and outcrop deep sedimentary rock to the surface. Using the limestone rock found in the slag heaps of the open-cast phosphate mines as a support, these prints reflect the disproportionate anthropization of the geology of the Gafsa mining basin.
Silver prints made from stone fragments give the photographic material a presence that is both tangible and spectral. Like spectres of our anthropocenic civilization, memories enclosed in the heart of limestone sediments, these prints evoke the fragmentary archaeological remains of frescoes from an ancient civilization. Here, our linear perception of time is blurred: the categories of past, present and future do not necessarily follow one another, but intermingle in a conjunction of times. What era are we in when we look at this triptych? Are we archaeologists of the future, uncovering the remains of our own contemporary civilization? Or are these vestiges those of a past, vanished civilization?
In the form of an archaeology of the present, this work reconnects us to the spirit of place, to the materiality of phenomena, and suggests an alternative to a presentist vision of History, by linking us to a human and more than human History over the long term. Here, the modern and the ancient, the immemorial and the future are woven into the mineral flesh of a concussed world; here, in a conjunction of times, our civilizational spectres emerge "flush with stone", haunting us like traumas, and will continue to call out to us for as long as we fail to pay attention.
Vue du salon unRepresented by a ppr oc he, 2nd edition. Le Molière, 40 rue de Richelieu - Paris I, 5 - 7 avril 2024. .Commissariat de Emilia Genuardi.
View of the show unRepresented by a ppr oc he, 2nd edition. Le Molière, 40 rue de Richelieu - Paris I, 5 - 7 April 2024. Curated by Emilia Genuardi.