AVANT LA POUSSIÈRE (UNDER THE SAND show#3)

Lieu Unique, Nantes, France, du 10 au 28 février 2018, commissariat de Marion Zilio.

Exposition collective : Minhee Kim, Amélie Labourdette, Dominique Leroy, Wilfried Nail, Pascale Rémita, Benoit Travers.

Projet impulsé par Wilfried Nail, construit et réalisé avec Souad Mani.

Lieu Unique, Nantes, France, from 10 to 28 February 2018, curated by Marion Zilio.

Group show: Minhee Kim, Amélie Labourdette, Dominique Leroy, Wilfried Nail, Pascale Rémita, Benoit Travers.

Project Impulsed by Wilfried Nail, built and directed with Souad Mani

Traces d'une occupation humaine, 2018 : Installation, Impression photographiques avec encre UV sur pierre calcaire, sable, dimensions variables.

Géorama des mondes enfouis, 2018 : pierres de mica / étain fondu, pierre calcaire, socle en médium anthracite 135 x 122 cm.

Traces of a Human Occupation, 2018: Installation, photographic prints with UV ink on limestone, sand, variable dimensions

Georama of Buried Worlds, 2018: mica stones / melted tin, limestone, medium anthracite base 135 x 122 cm

TEXTE FRANÇAIS

« Comme la plupart des peuples méditerranéens, les pratiques funéraires des capsiens (dont la culture mésolithique centrée sur le Maghreb a été nommée d’après la ville de Gafsa), suggèrent une croyance en une vie après la mort. En imprimant sur une plaque de calcaire le mur de séparation entre le monde des vivants et celui des morts, Amélie Labourdette tente d’en saisir l’aura, de recouvrer un « esprit du lieu » comme si celui-ci s’était fossilisé dans la pierre. Sa série Traces d’une occupation humaine se déploie depuis les fouilles du Paléolithique moyen jusqu’au sol retourné par les tractopelles de la Compagnie de Phosphate de Gafsa (CPG), en passant par les tags d’une contestation clamant le « non » au travers de signes paraissant ésotériques pour celui qui ne connaît pas la langue. Dépourvu d’humain, ses images racontent l’histoire d’un chantier civilisationnel, dans le temps long de ses strates géologiques. Utilisée comme matériaux de construction, la roche sédimentaire de nature calcaire se forme grâce à la consolidation de coquillages marins, c’est-à-dire d’un ensemble de déchets, dépouilles d’animaux et de végétaux, constituant un territoire délaissé par les ontologies traditionnelles. Cette matière inerte promise à s’aréniser (à devenir sable) est devenue le support de ses photographies. Elle conserve en cela les traces d’une écologie mémorielle, tout à la fois humaine et non humaine. Sans cesse écrasées, ébréchées, dévaluées ou instrumentalisées, les pierres reviennent ici pour ce qu’elles sont : des ruines, ou plutôt, une sorte de livre du temps cristallisant différentes strates temporelles. Le passé est toujours là, enfoui, mais autrement que sur le mode du souvenir conservé : il est devenu un mode de présence fossilisé grâce auquel l’archéologie déchiffre et tente de re-lire le passé .»

« La perception devient sujette à toutes les réversibilités ; si Rogers Caillois voyait dans les veines du marbre et des roches perforées, la matière à de longues rêveries, méditations ou hypnoses, Amélie Labourdette ne fait pas de la présentation de deux pierres trouvées dans l’ancienne carrière de phosphate, un tremplin pour le fantastique. Elles sont plutôt les reliques d’une carte en trois dimensions, sur laquelle l’étain fondu trace des chemins et des voies multiples dans un paysage promis à l’érosion et à la dispersion en poussière. C’est pourquoi la pierre que l’on prenait pour le symbole de l’immobilité structurale, de la dureté et de la stabilité, se définit plutôt comme le friable et le mouvant, si ce n’est le vivant. Elle se situe « avant la poussière », à l’exact moment de l’éphémère et du suspendu, dans les potentiels du temps.»

Marion Zilio

ENGLISH TEXT

"Like most Mediterranean peoples, the funerary practices of the Capsians (whose Mesolithic culture centered on the Maghreb was named after the city of Gafsa), suggest a belief in an afterlife. By printing on a limestone plate the wall separating the world of the living from that of the dead, Amélie Labourdette attempts to capture its aura, to recover a "spirit of place" as if it had been fossilized in stone. Her series Traces of a Human Occupation unfolds from the Middle Paleolithic excavations to the ground turned over by the Gafsa Phosphate Company (CPG) backhoes, passing through the tags of a protest proclaiming the "no" through signs that seem esoteric to those who do not know the language. Devoid of human, his images tell the story of a civilizational construction site, in the long time of its geological strata. Used as construction materials, the sedimentary rock of limestone nature is formed through the consolidation of marine shells, that is to say, a set of waste, animal and plant remains, constituting a territory abandoned by traditional ontologies. This inert material promised to become sand has become the support of his photographs. In this way, it preserves the traces of a memory ecology, both human and non-human. Constantly crushed, chipped, devalued or instrumentalized, the stones return here for what they are: ruins, or rather, a kind of book of time crystallizing different temporal strata. The past is always there, buried, but not in the mode of preserved memory: it has become a fossilized mode of presence thanks to which archaeology deciphers and tries to re-read the past."

"Perception becomes subject to all reversibilities; if Rogers Caillois saw in the veins of marble and perforated rocks, the matter to long daydreams, meditations or hypnoses, Amélie Labourdette does not make the presentation of two stones found in the old phosphate quarry a stepping stone for the fantastic. Rather, they are the relics of a three-dimensional map on which the molten tin traces multiple paths and tracks in a landscape promised to erosion and dust dispersion. This is why the stone that was taken for the symbol of structural immobility, hardness and stability, is rather defined as the brittle and the moving, if not the living. It is situated "before dust", at the exact moment of the ephemeral and the suspended, in the potentials of time".

Marion Zilio